Le Cameroun est secoué par un scandale judiciaire de grande ampleur depuis l'assassinat brutal d'Arsène Salomon Mbani Zogo, plus connu sous le nom de Martinez Zogo, un journaliste de 50 ans. Enlevé le 17 janvier 2023 devant un poste de gendarmerie dans la banlieue de Yaoundé, la capitale camerounaise, son corps nu, atrocement mutilé, a été retrouvé cinq jours plus tard. Cet acte barbare a choqué non seulement le Cameroun, mais aussi la communauté internationale, attirant l'attention sur les dangers auxquels sont exposés les journalistes dans le pays.
Martinez Zogo était connu pour ses enquêtes approfondies et ses prises de position courageuses contre la corruption et les abus de pouvoir. Il s'était forgé une réputation de journaliste intègre, déterminé à exposer les vérités, même au péril de sa vie.
L'enquête qui a suivi son meurtre a conduit à l'inculpation de 17 personnes. Parmi lesquelles figurent des personnalités de premier plan, telles que Jean-Pierre Amougou Belinga, magnat des médias, et Maxime Eko Eko, directeur général de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE). l'une des principales agences de renseignement du pays. Amougou Belinga et ses coaccusés clament haut et fort leur innocence, arguant qu'ils sont victimes d'un complot politique.
Un des enjeux juridiques majeurs dans cette affaire a été l'accès aux dossiers, un point crucial pour la défense des accusés. Cet obstacle a été levé récemment, permettant ainsi à l'affaire d'être renvoyée au 9 septembre 2024. Cette date est désormais cruciale pour le déroulement de la procédure judiciaire.
Certains avocats de la défense, ont dernièrement donné des détails sur la suite de la procédure. Selon lui, des tensions sont apparues entre les avocats de la défense, notamment entre Me Assira, qui défend également un des accusés, et la DGRE. Me Assira a toujours maintenu que cette affaire n'était pas une opération de la DGRE, ce qui, selon certains, pourrait favoriser Maxime Eko Eko, qui est perçu comme la cible principale des commanditaires de cet assassinat. Malgré le recours en cassation, les juges ont décidé de maintenir l'ouverture du dossier, prévue en principe pour le 9 septembre. À partir de cette date, nous entrerons dans le fond de l'affaire. Les charges seront d'abord notifiées, puis les parties auront l'occasion de présenter leurs exceptions, c'est-à-dire les irrégularités procédurales et les violations des droits de la défense survenues depuis le début de l'enquête, y compris lors de l'enquête préliminaire et de l'instruction judiciaire. Après le 9 septembre, il y aura probablement un renvoi. Les exceptions pourraient prendre plusieurs jours à être examinées, compte tenu du fait qu'il y a 17 avocats impliqués dans l'affaire. La question de la responsabilité civile s'est posée en ce qui concerne la DGRE et son représentant, Maître Assira. L'État du Cameroun se considère comme victime des actes commis, tandis que la DGRE, impliquant ainsi l'État, est désignée comme civilement responsable. Initialement, la DGRE et Maître Assira ont été admis avec une double casquette, c'est-à-dire en tant que civilement responsables et en même temps parties civiles, une situation assez inhabituelle.
Cette question avait été tranchée par les juges lors de la troisième audience, où la DGRE avait été citée comme civilement responsable. Cependant, ces deux statuts ont persisté par la suite. Le commissaire du gouvernement a finalement soulevé ce problème, demandant que la DGRE soit clairement désignée comme civilement responsable. Cela soulève des questions sur les motivations sous-jacentes, et chacun tirera ses propres conclusions.
Il a été constaté au cours de cette période que de nombreux droits de la défense ont été violés. Ces violations peuvent conduire à l'annulation de la procédure, soit partiellement, soit totalement. L'objectif principal est de démontrer que cette procédure est viciée de manière si grave, en raison de ces atteintes aux droits de la défense, qu'elle ne devrait pas se poursuivre. Pour cela, les avocats présenteront les exceptions, qui devraient être examinées le 9 septembre.
Le tribunal pourra alors décider si ces exceptions sont fondées, et mettre fin aux poursuites. En revanche, il peut également juger que ces exceptions ne relèvent pas de l'ordre public et ne justifient pas l'annulation de la procédure.
Ce positionnement de Me Assira n'a cependant pas été accueilli favorablement par tous. En effet, il semble que certains aient fait appel à lui dans l'espoir qu'il enfonce davantage Maxime Eko Eko, ce qu'il n'a pas fait. Cette divergence d'opinions parmi les avocats de la défense pourrait avoir des répercussions importantes sur la suite du procès. Donc, on ne serait pas étonné que Me Assira n'intervienne plus, d'ailleurs son absent de façon étonnante à l'audience du 19 août dernier.
Alors que la date du 9 septembre 2024 approche, l'intérêt pour cette affaire ne fait que croître. Le peuple camerounais, ainsi que la communauté internationale, attendent avec impatience que la vérité soit faite et que justice soit rendue à Martinez Zogo. Son assassinat est un rappel tragique des risques auxquels sont confrontés les journalistes qui choisissent de dénoncer la corruption et les abus de pouvoir dans des contextes où la liberté de la presse est souvent bafouée.
Cette affaire, emblématique de la lutte pour la liberté d'expression en Afrique, pourrait bien devenir un tournant dans la manière dont les crimes contre les journalistes sont perçus et jugés. Il est impératif que la justice suive son cours de manière impartiale, et que ceux qui ont commandité et exécuté cet assassinat soient tenus pour responsables, quel que soit leur statut ou leur influence.
GUY EKWALLA