Dans l’affaire retentissante de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, le tribunal militaire de Yaoundé semble s'enliser dans des prolongations inattendues. Alors que Danwé Justin a déjà reconnu sa culpabilité, les principaux accusés, le magnat des médias Jean-Pierre Amougou Belinga et l’ex-patron des services secrets Maxime Eko Eko, pourraient voir les charges contre eux s’effondrer.
Une procédure controversée
Les débats du 11 novembre dernier ont été marqués par une décision du juge de requalifier les faits reprochés aux accusés. Cette requalification, considérée comme une erreur matérielle par le tribunal, a suscité l’indignation de la défense. Pour rappel, une ordonnance de renvoi fixe les infractions pour lesquelles une personne est traduite en justice après l’instruction. Toute modification de ces infractions relève exclusivement du juge d’instruction ou, en cas d’appel, de la cour compétente.
Or, dans cette affaire, la requalification parait avoir été effectuée sans recours préalable, ce qui constitue, selon les avocats de Maxime Eko Eko, une "forfaiture". Ces derniers dénoncent une violation flagrante des droits de la défense, soulignant que les erreurs matérielles n’autorisent pas un juge à modifier l’objet des accusations.
Une défense qui dénonce des contradictions
La défense de Maxime Eko Eko et de Jean-Pierre Amougou Belinga accuse le tribunal militaire de se contredire. Dès l'ouverture du procès, le commissaire du gouvernement et le juge avaient annoncé une audience spécifique pour examiner les exceptions soulevées par les parties. Cependant, cette étape cruciale, destinée à statuer sur la régularité de la procédure, a été négligée.
Pour Maître Tchougang, avocat de Jean-Pierre Amougou Belinga, le tribunal militaire joue un rôle qui n’est pas le sien en s’érigeant en juge d’instruction. "Le juge devait se limiter à juger, pas à corriger l’instruction", a-t-il martelé.
Une justice en quête d’une "autre vérité" ?
Au cœur de ce dossier complexe, un point crucial divise : les preuves matérielles. Selon les avocats des principaux accusés, les éléments à charge ne suffisent pas à incriminer leurs clients, laissant penser que le tribunal chercherait une "autre vérité". Cette situation alimente les soupçons de "combine" entre le président du tribunal et le commissaire du gouvernement, comme le soutient la défense de Maxime Eko Eko.
Une audience sous tension et un report inattendu
L’audience prévue le 11 novembre s’est soldée par un nouveau renvoi au 2 décembre 2024. Les débats n’ont pas eu lieu, les parties ayant déjà introduit des appels contre la décision du tribunal. Cette prolongation est perçue comme un moyen pour le tribunal de gagner du temps face à une situation juridiquement bancale.
Un procès sous les projecteurs
L’affaire Martinez Zogo, l'emblématique défit lié à la justice, reste au centre de l’attention.
D'ici à la prochaine audience, les regards restent braqués sur le tribunal militaire, qui devra non seulement répondre aux critiques, mais également trancher sur une affaire dans laquelle la justice, autant que les accusés, semble sur la sellette.
Guy EKWALLA